Prolégomènes pour un ailleurs par Hervé Delabarre

Hervé Delabarre, né à Saint-Malo en 1938, est peintre et poète qui s’inscrit dans l’esprit du surréalisme tout en portant une originalité qui lui est propre. Tout comme André Breton, sa poésie est un véhicule pour traverser les voiles qui dissimulent le réel.

Dans une longue et riche préface, Christophe Dauphin dit toute l’importance de l’œuvre qui fascina André Breton.

« Hervé Delabarre est un poète dont chaque œuvre est un défi à l’abstraction, une plongée dans le concret, le merveilleux. Ses poèmes possèdent un pouvoir insurrectionnel qui n’est pas sans rapport direct, avec le Merveilleux, l’humour noir, le mystère, l’amour, certes, mais avant tout avec l’être et ces fêlures… »

Au cœur de la démarche de ce « Chevalier du Merveilleux », la femme est à la fois inspiratrice et initiatrice, celle qui introduit la merveille dans la réalité pour mieux révéler l’être en ses intensités. Dans un long poème dédié à l’actrice Louise Lagrange, c’est la queste du Féminin libre et secret qu’il invoque. Extrait :

Vos lèvres tachées

Vos lèvres peintes

Soigneusement tracées au crayon

Vos regards tristes

Mouillés d’araignées mauves sous le parasol blanc du songe

Surgissent dans l’une de ces rues

Où je suis la ligne de cœur

L’émotion du désir fait refluer le sang de votre visage

Les narines pincées sous l’étau des yeux d’hommes

Vous essayez de découvrir

Sous le déferlement des oiseaux de proie

Sous les ailes séchées des corbeaux et des papillons carnassiers

Le tableau peint de toute éternité dans le midi du noir

Quand le glaive y descend pour entrouvrir les fruits

Où dorment emprisonnées les femmes…

Hervé Delabarre développe un rapport particulier au langage. Il rend étrangement vivants les mots qui tendent à devenir cadavres sous les chaînes du conformisme. En libérant la langue, c’est le monde qu’il délie. Ainsi, avec l’ouverture des Portraits-Flashs :

Contrairement à ce qui se dit

On n’a jamais vécu ici d’amour et d’eau fraîche

Le tabernacle ne contient plus que des cendres

L’encens s’épand dans l’air comme une cicatrice

Si la poésie d’Hervé Delabarre est initiatique, si elle rapproche de l’être, c’est par discipline, la discipline de l’arcane, presque naturelle au poète, qu’il décrit ainsi à Jean-Claude Tardif :

« Encore faut-il faire le vide, m’éloigner de toute réflexion, de toute pensée contrôlée, rejeter tout jugement critique, demeurer en état de réceptivité, à l’écoute. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, cela nécessite aussi un labeur, une discipline, ouvrant une brèche qui nous relie à cette voix intérieure et nous permet de rester « branchés », d’aucuns diraient « connectés ». »

Roncevaux

Un ciboire peut en cacher un autre

A même de nous enivrer

Et la Bible n’est plus désormais

Que le versant doré d’un corps

Les lèvres saignent de trop aimer

Tandis qu’un cœur

S’ouvre comme une blessure

Et nous conduit tout droit aux enfers

Il n’y a pas ici de nautonier

C’est Roncevaux

Roncevaux vous dis-je

Avec à son extrémité

La belle Aude pour nous accueillir

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