Voici le fruit d'une recherche exceptionnelle menée par Israël Knohl, directeur du département biblique à l'Université hébraïque de Jérusalem. A partir d'une analyse approfondie des manuscrits de la mer Morte, Israël Knohl met en évidence les correspondances entre la biographie de Jésus et celle de Menahem l'Essénien, leader messianique qui précéda Jésus et fut assassiné par les soldats romains en l'an 4 av. J.-C. Ce n'est pas la première fois que des rapprochements sont opérés entre la vie de Jésus et celle d'un "Maître de Justice" essénien, ou encore entre Jésus et le thaumaturge Appolonius de Tyane, mais c'est la première fois qu'une thèse qui vient s'opposer à un siècle de recherches universitaires mais aussi au monde de plomb des croyances.

Israël Knohl a commencé ses recherches pour ce livre en 1997. Il a appris depuis qu'un autre chercheur, Michael O. Wise, travaillait sur un thème très proche mais à partir d'un autre personnage messianique que Menahem. Michael O. Wise a rendu compte de ses travaux en 1999 par un livre intitulé The First Messiah.
Depuis plus d'un siècle, la tendance principale dans la recherche néo-testamentaire, nous explique en préalable Israël Knohl, a été de dénier la réalité historique de l'affirmation par Jésus de sa propre messianité : "Les chercheurs qui partagent cette conception soutiennent que Jésus ne se percevait pas du tout lui-même comme Messie et que ce sont ses disciples, après sa mort, qui ont fait de lui le Messie. Jésus affirment-ils, n'a pas pu prévoir son rejet, sa mort et sa résurrection car l'idée d'un Messie ou fils de l'homme souffrant, mourant et ressuscitant était inconnue du judaïsme. Il s'ensuit, selon ces chercheurs, que l'ensemble des récits dans lesquels Jésus prédit son rejet, sa mort et sa résurrection ne possèdent aucun fondement historique."
"Dans ce livre, ajoute Israël Knohl, j'ai l'intention d'aller à l'encontre de ces assertions. Je me propose de montrer que Jésus s'est réellement perçu comme le Messie et qu'il s'attendait vraiment, en tant que Messie, a être rejeté, tué et à ressusciter après trois jours, parce que c'était précisément ce que l'on croyait être arrivé à un leader messianique ayant vécu une génération avant Jésus.
Dans certains des hymnes, trouvés parmi les manuscrits de la mer Morte et publiés récemment, ce Messie antérieur se décrit lui-même comme siégeant sur un trône entouré d'anges. Il se voyait lui-même comme le serviteur souffrant qui fait advenir une nouvelle ère, l'âge de la rédemption et du pardon dans lequel le péché et la culpabilité n'ont plus place. Ces idées audacieuses conduisirent à son rejet et à son excommunication par les sages pharisiens emmenés par Hillel.
Ce Messie, fut, en fin de compte, tué à Jérusalem et son corps laissé dans la rue pendant trois jours. Ses disciples crurent qu'il était ressuscité après trois jours et avait rejoint le ciel. L'humiliation, le rejet et le meurtre du Messie provoquèrent une remise en cause de la foi chez les adeptes. Afin de trouver une solution à cette crise, ils repérèrent des passages de la Bible qui pouvaient être entendus comme prophéties de l'humiliation et de la mort du Messie. Ainsi, pour la première fois dans l'histoire du judaïsme, la conception d'un messianisme catastrophique vit le jour, qui considérait l'humiliation, le rejet et la mort du Messie comme inséparables du processus de rédemption."
On le voit, l'intérêt du livre est multiple. S'il apporte un éclairage qui intéresse la Tradition, il contribue aussi à la compréhension des mécanismes de croyance et de changements d'histoire des peuples et des communautés.
Menahem meurt à peu près au moment où Jésus naît. Menahem contribue à la mise en place du contexte historique qui favorise la messianité consciente de Jésus : "La reconstruction de l'histoire du Messie assassiné nous permet, pour la première fois, de donner un arrière-plan historique aux récits faisant état de la conscience messianique de Jésus dans le Nouveau Testament. Nous sommes à même, maintenant, de comprendre le combat qui se déroula dans l'âme de Jésus entre son désir naturel de vivre et la vocation messianique de rejet, de souffrance et de mort qu'il avait héritée de son prédécesseur, le serviteur souffrant des rouleaux de la mer Morte."
Mais il y a encore plus intéressant dans ce livre, Israël Knohl démontre que "L'Evangile de Jean, notamment conserve un lien de continuité entre Menahem et Jésus. Cette tradition, c'est le concept mystérieux de Paraclet." Et il poursuit ainsi :
"Selon l'Evangile de Jean, alors qu'il partageait avec eux le dernier repas, Jésus promit à ses disciples qu'il demanderait au Père - c'est-à-dire à Dieu - de leur envoyer un autre Paraclet. Le Paraclet, appelé aussi Esprit-Saint et Esprit de vérité, les guiderait dans la vérité et leur expliquerait les choses à venir. Le Paraclet établirait aussi la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement. Au vu de ces déclarations, le Paraclet apparaît comme un maître, un prophète qui prédit l'avenir, quelqu'un capable de révéler des vérités. A ses disciples, Jésus disait aussi que le Paraclet ne viendrait que si et lorsque lui-même aurait quitté le monde."
En recherchant les significations, les emplois possibles du mot paraclet, Israël Knohl se rendit compte que de nombreux spécialistes considéraient que la figure du Paraclet chez Jean émanait probablement de la philosophie inhérente aux manuscrits de la mer Morte. Il va plus loin encore en notant que "le mot paraclet était employé dans d'anciennes traductions de la Bible pour rendre le terme hébreux menhem."
Ainsi, pense-t-il, "le nom de Menahem, le premier des messies juifs, en est venu à représenter le Messie en tant que tel. L'idée que le nom du Messie est Menahem trouve ses fondements dans les textes rabbiniques. La tradition du Paraclet rapportée par l'Evangile de Jean représente une manifestation chrétienne de cette convention.
Quand Jésus affirmait que le Père enverrait un autre Paraclet, il révélait qu'il était lui-même un Paraclet."
A lire.

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