Réaliser Genjôkôan

Dôgen, fondateur de l’école sôtô du Zen au XIIIème siècle a laissé une œuvre profonde, poétique et philosophique, qui renvoie toujours à la pratique.

Le Genjôkôan, introduction au Shôbogenzô ou Trésor de l’œil du vrai Dharma, est considéré comme son essai le plus essentiel. C’est la subtilité de ce texte que nous propose de dévouvrir Shohaku Okumura, maître zen contemporain.

L’ouvrage ne s’adresse pas seulement aux pratiquants de zazen mais à tous ceux qui recherchent une méditation du silence. Le Genjôkôan est classiquement bouddhiste, c’est-à-dire qu’il prend appui sur les instructions du Bouddha et s’inscrit dans le cadre général du mahayana.

Si l’éveil est pour Dôgen, « un processus vivant continu », laissant les expériences spectaculaires à leur place secondaire, il insiste dans ce texte sur « les activités quotidiennes comme pratiques de Bodhisattva », nous dit Shohaku Okumura. Ces orientations pratiques, rédigées au XIIIème siècle, demeurent actuelles ce qui démontre combien elles touchent à l’essentiel et s’affranchissent des conditions temporelles. « Il nous faut aborder tout ce que nous faisons en tant que pratique de bodhisattva. »

Le texte lui-même est bref, dense et difficile à saisir en ses multiples nuances et possibilités. Le commentaire de Shohaku Okumura est donc bienvenu pour rendre ce texte vivant et performatif dans et par la pratique.

Ainsi « Nos vies sont le croisement du soi et de toutes choses ». Shohaku Okumura précise :

« Afin d’examiner la relation entre illusion et éveil et celle entre êtres vivants et bouddhas, Dôgen Zenji approfondit le rapport entre jiko, le soi, et banpô, tous les êtres (ban veut dire dix mille, myriades ou sans nombre ; po signifie êtres ou choses). D’après lui, illusion et éveil relèvent seulement de la relation entre soi et autrui. L’illusion n’est pas une entité fixe de l’esprit, qui une fois éliminée, sera remplacée par l’éveil. »

Dans le Genjôkôan, Dôgen propose : « Se porter vers toutes choses pour manifester la pratique-éveil est illusion. Toutes choses venant et manifestant la pratique-éveil à travers le soi est réalisation. »

Dôgen est souvent surprenant. Bien que s’inscrivant dans un bouddhisme classique, il sait décaler le regard pour inviter à une saisie directe de ce qui est là. La non-dualité qu’il propose s’affranchit du jeu entre dualité et non-dualité porté par le langage.

« Dôgen exprime la réalité de tous les êtres qui comprend être et non-être, forme et vacuité.

La reconnaissance de cette réalité est la raison pour laquelle Dôgen assure dans Maka Hannya Haramitsu (Sutra du Coeur) que « La forme n’est que la forme et rien d’autre que la forme et la vacuité rien d’autre que la vacuité. » Encore une fois, lorsque nous disons que la forme est vacuité, dans l’intellect il y a deux choses : la forme et la vacuité et nous disons que ces deux choses en sont une seule. C’est ainsi que nous percevons généralement les choses dans la vie quotidienne. »

Mais ce rapport demeure dualiste, il maintient ou crée de la séparation, c’est pourquoi Dôgen l’écarte pour une nudité totale. En faisant de la pratique même l’éveil, Dôgen invite à la reconnaissance :

« Ce n’est pas le soi qui s’éveille à la réalité, suggère Shohaku Okumura, mais zazen qui s’éveille à zazen, le Dharma qui s’éveille au Dharma et Bouddha qui s’éveille à Bouddha. (…) Voilà pourquoi Dôgen a enseigné que zazen n’est pas une pratique faite pour transformer les êtres humains en bouddhas. Zazen est la pratique même du Bouddha. »

Chaque enseignement de Dôgen ouvre à de vastes développements qui convergent cependant tous vers le simple et l’évidence que nous voilons de nos considérations.

L’exploration de Shohaku Okumura, loin d’éloigner de l’essence du texte, y ramène en modifiant notre rapport aux mots et au monde quotidien.

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