Ecce Homo de Claude Guérillot

Les écrits de Claude Guérillot sont toujours une opportunité d’approfondir sa démarche spirituelle. Cet essai est placé sous le signe d’un symbole formé d’une croix de trois points disposés en triangle équilatéral et de la lettre h, abréviation d’allélouia, écrite en estrangelo, la plus ancienne version de l’alphabet syriaque. Ce symbole qui scelle chaque fin de chapitre du livre affirme, nous dit Claude Guérillot « la foi complète de l’église », de la « Grande Eglise », chrétienne, trinitaire, qui « travaille à la gloire du Dieu Un et honore les Trois Hypostases coéternelles, consubstantielles et inséparables, le Père, le Fils et l’Esprit Saint. »

Cet essai, dense, rigoureux, profond, comme le sont habituellement les travaux de Claude Guérillot, traite de l’Incarnation, de la Passion et de la Résurrection, événements centraux dans notre histoire, clés prophétiques de la mutation de nos esprits. Dans cet essai, parmi deux nombreux thèmes d’importance, nous retrouvons la question des deux natures si chère à Jean-Baptiste Willermoz. Ce sont aussi les grands archétypes à l’œuvre à travers les individualités comme les mouvements collectifs que cherche à identifier et comprendre, en leurs actions et influences, Claude Guérillot, archétypes sombres ou archétypes lumineux, de séparation ou de réintégration.

Le livre commence avec la Dernière Cène pour suivre les événements du drame à la fois humain et cosmique : arrestation et procès, crucifixion et dormition, résurrection et apparitions, constitutifs à la fois d’une histoire et d’une prophétie dont Claude Guérillot rappelle la fonction :

« Mais qu’est-ce donc qu’une prophétie si les hommes demeurent libres de leurs propres choix ? Elle ne nous dit pas ce qui arrivera nécessairement mais nous avertit des conséquences de certains actes ou de certains comportements. Les événements qui viennent d’être rappelés sont fondateurs de l’avenir de l’humanité. Les protagonistes, quels qu’ils aient été, ont eu et auront des continuateurs, des épigones, des émules. De leurs choix et de leurs actions dépendront nos avenirs. Le comprendre pourra éclairer nos propres choix. »

Il y a donc une actualisation permanente du drame christique à la fois en nous, dans l’interne et dans l’externe, au sein du monde. Claude Guérillot nous propose de nous saisir des fonctions archétypales de la vie du Christ et de les retrouver à l’œuvre dans la temporalité historique. Il commence par les « antagonistes du Christ » : Judas ou l’espérance déçue, Hanne ou l’intolérance au pouvoir, Caïphe ou les intrigants au pouvoir, Pilate ou la cruauté des politiques, Celse ou l’audace des calomniateurs, toujours opérants, au quotidien, sous nos yeux.

La Dormition du Christ apparaît dès lors dans un tout autre regard :

« A notre sens les évolutions constatées depuis plus de trois siècles sont prophétiquement annoncées par la Dormition du Christ, c’est-à-dire un temps pendant lequel Dieu ne nous parle plus. Rappelons que les trois derniers siècles ont été ceux pendant lesquels, par la conjonction du développement technologique et de l’effacement des valeurs morales, les plus abominables génocides ont été perpétrés tandis que les ravages des drogues de toutes espèces s’étendaient extraordinairement. »

La Résurrection prophétique est portée par ceux qui accompagnèrent Jésus, antidotes archétypaux aux antagonistes du Christ : Marie de Magdala ou l’Apôtre des apôtres, Nicodème et Joseph d’Arimathie ou les Justes, Saint Thomas ou la recherche de la vérité, Saint Pierre ou les faiblesses humaines, Saint Jean ou le chantre de l’agapé divine. Il est beaucoup plus difficile de reconnaître ces archétypes lumineux à l’œuvre dans notre monde.

Claude Guérillot réinvestit les archétypes présents dans l’Ascension, la Résurrection, l’Incarnation et le Salut en conciliant la puissance intuitive et poétique du symbole avec les ouvertures logiques et scientifiques du millénaire dans lequel nous sommes désormais engagés. In fine, il nous invite à revenir à Job et sa leçon :

« Le Livre et la raison logique s’accordent sur cette idée : Dieu est agapé et Il nous a fait libres et intelligents. Un mort ne peut pas revivre mais Dieu peut nous Le faire voir, L’entendre et Le toucher car Il a voulu qu’Il puisse nous parler, Se montrer à nous, Se laisser toucher par nous. Nos morts revivent, purifiés, dans Sa Mémoire, et y sont capables d’aimer et d’intercéder pour nous.

Job nous enseigne l’humilité et la confiance. Certes le Livre de Job est un récit allégorique et symbolique. Mais il nous enseigne aussi l’espérance, même lorsque notre condition humaine nous a relégué sur un tas de fumier, Dieu ne nous abandonne pas. »

Cet ouvrage que Claude Guérillot présente comme probablement son dernier est un testament spirituel d’une grande profondeur par lequel la lucidité et la foi font accord. Illustré magnifiquement par le peintre Joseph Matar, ce dernier cadeau de l’esprit que nous offre un vieux compagnon de route doit être accueilli avec respect et gratitude.

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