Chambres meublées de Jean-Michel Nicollet et Serge Lehman

Dans sa postface, Jean-Luc Rivera, rédacteur en chef de La Gazette fortéenne, nous confie ceci :

« La visite des Chambres meublées par Jean-Michel Nicollet est l’une de ces expériences qui se doivent de figurer dans le Baedeker fortéen, aux côtés de la découverte de la maison Winchester ou, plus approprié encore, de l’exploration du « Murder Castle », cet hôtel usine à meurtres construit par le Dr. H. H. Holmes et ouvert lors de la World Fair de Chicago en 1893. Des lieux où médiums guidés et esprits errants permettent à l’artiste de donner libre cours à son inspiration, ce que l’on ressent profondément en contemplant et en se perdant dans la suite d’images puissantes qui composent ce livre : le peintre m’a d’ailleurs confié qu’il les avait couchées sur la toile dans un état de conscience différent, transcrivant sans doute avec tout son talent des images d’un univers puisant dans les clichés des peurs et des terreurs de notre inconscient. »

Il est vrai que ces chambres obscures de la psyché sur lesquelles chacune des peintures de Jean-Michel Nicollet donnent telles des fenêtres dont on ne sait quel sortilège les anime, sont autant de songes étranges, de voyages dans des mondes qui hurlent silencieusement et dont on sait bien leur proximité inquiétante.

Les textes de Serge Lehman pourraient donner du sens par une narration, certes tragique, mais tout de même relativement rassurante. Il n’en est rien. Ils contribuent au dérèglement des sens :

« A force d’entendre parler de l’Hôtel expérimental de Lord Sheffield (en termes élogieux, déconcertés ou terrifiés, c’est selon), j’ai fini par m’y rendre et je dois dire que sa réputation n’est pas usurpée : je n’ai même pas réussi à longer l’aile nord jusqu’au bout. J’y ai été pris à parti par une habituée, une ancienne comtesse russe que les bolcheviques ont, semble-t-il, installée à demeure pour offrir à leurs émissaires un peu de réconfort collectiviste dans leur exil occidental – à moins qu’elle n’est elle-même organisé sa déchéance. « Je connais bien l’établissement », m’a dit cette femme dont je renonce à décrire l’attitude. « Sauf si vous êtes d’humeur salace, je vous déconseille la Chambre aux Echos. Evitez aussi la Chambre des Vœux à moins d’être tout à fait transparent à vous-même (mais qui est dans ce cas ?). La Chambre aux Miroirs est pareillement à déconseiller, ainsi que la Chambre à la Sphinge, pour des raisons historiques. Quant à la Chambre de Haute Volée, vous n’en entendrez sans doute pas parler mais si tel est le cas, sachez que c’est un piège mortel. Il y a aussi quelque part, un masque qui croit qu’il est une tête pensante et… »

A cet instant, un gnome atroce, dans lequel j’ai cru reconnaître un membre du politburo (peut-être Ostrowski) est apparu au côté de la comtesse et … »

Il y a une dimension initiatique sombre dans ce livre dans lequel on croise parfois Lacan ou Saint-Yves. Et peut-être quelque chose de visionnaire, en effet, dans le monde qui approche, grâce aux technologies de réalité augmentée, ou à d’autres applications, de tels hôtels expérimentaux verront le jour, dont nous ne sortirons pas forcément indemne.

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