Le non-dualisme n’est pas réservé au shivaïsme cachemirien. Toute tradition est, en son essence, non duelle et elle l’est également, ne serait-ce qu’ultimement, dans son expression. Le Vedanta propose un enseignement non-dualiste de haute tenue. On pense évidemment à Sankaracharya mais d’autres instructeurs ont écrit sur le processus, qui se révèle un non-processus, qui réalise le Soi. La forme en est différente que dans le shivaïsme non-duel, moins libertaire, moins directe. Le sujet en est identique.

Le Sri Advaita Bodha Deepika fut rédigé par Sri Karapatra Swami qui condensa en sanscrit l’enseignement des sages en douze chapitres dont huit seulement sont venus jusqu’à nous : Adhyaropa, la superposition – Apavada, la suppression de la superposition – Sadhana, les modes d’accomplissement – Sravana, écouter parler de Dieu, lire des textes consacrés à dieu et parler de Dieu – manana, méditer sur sravana - Vasanakshaya, l’annihilation des tendances latentes – Sakshatkara, la réalisation directe – Manonasa, l’extinction du mental.

La lecture de ce sommaire pourrait laisser penser à une voie progressive allant du duel au non-duel. C’est là une vision dualiste. En réalité la réalisation directe est ici et maintenant, toujours, immédiate, évidente et inévitable. La réalisation de notre nature véritable, non-duelle, passe par la dissolution de deux ignorances concernant le Soi : « Il n’existe pas. », « Il ne rayonne pas. ».

L’un des points sur lesquels le texte insiste réside dans la nécessité d’acquérir la connaissance directe avant que les tendances latentes du mental ne puissent être effacées, permettant alors la réalisation de Brahman par la méditation.

L’identification du témoin avec Brahman est insuffisante. Le passage de « Tu es Cela » à « Je suis Brahman » n’efface pas l’ego.

« A moins de perdre complètement son identité, il n’est pas possible d’être Brahman. C’est pourquoi, pour réaliser Brahman, la perte de l’individualité est la condition sine qua non. »

« Il ne fait aucun doute que l’individualité dure aussi longtemps que le mental existe. Tout comme l’image reflétée disparaît lorsque l’on enlève le miroir, l’individualité peut être effacée en rendant le mental silencieux par la méditation. »

« Le jiva émergeant en tant que Brahman s’étonne que, ayant été tout du long Brahman et Brahman seulement, il ait pu errer comme un être impuissant imaginant un monde, un dieu et des individus ; il se demande ce qu’il est advenu de toutes ces imaginations et, maintenant qu’il demeure entièrement seul en tant que l’Être-connaissance-béatitude libre de toute différenciation, interne ou externe, s’étonne de connaître la béatitude suprême de Brahman avec autant de certitude. C’est pourquoi la réalisation n’est possible pour le jiva qu’à la destruction complète du mental et non autrement. »

Ceci implique la disparition de toute causalité, de toute relation sujet-objet et de toute expérience.

« Seulement pour l’ignorant, le pur éther non-duel de la connaissance absolue se manifeste en tant que la variété des êtres, le monde, Dieu, différents noms et formes, moi, toi, lui, « ceci » et « cela ». (…) Le sage qui, par la pratique de la connaissance, a détruit l’ignorance et atteint la vraie connaissance, demeurera éternellement et uniquement en tant que la connaissance absolue, sans avoir conscience des plaisirs que procurent les fruits des actions ou des activités du monde. »

« Efface toutes les pensées, quelles qu’elles soient, celles des choses savourées, non savourées, ou autrement vécues. Comme le bois ou la pierre, demeure libre de toute pensée. »

L’investigation éclairée proposée par ce texte, alliée à la méditation, contribue à l’extinction du mental.

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