Monique Hébrard, journaliste, converse avec Jean-Pierre Longeat, musicien devenu moine, passé d’une musique à une autre, d’un silence à un autre, à propos de la quête d’intimité spirituelle que recherchent tous ceux qui franchissent l’enceinte de l’abbaye de Saint-Marin de Ligugé.

C’est à une spiritualité chrétienne de cœur et de silence, dépourvue des surimpositions de l’histoire, de la culture et de la politique, que nous introduit Jean-Pierre Longeat. Au contraire des églises qui se vident, les monastères attirent de plus en plus de personnes en quête d’elles-mêmes, de Dieu ou de quiétude. Le monastère, enceinte sacrée, offre un temps et un espace à part, mis en parenthèses de l’agitation mondaine, où chacun peut se retrouver, se reconstruire, se reconnaître. Les besoins d’harmonie, de permanence, de stabilité, d’inscription dans une lignée, de construction identitaire, trouvent dans ce cadre, un environnement propice à leur émergence tranquille et à leur satisfaction. Mais au-delà de cette nécessité individuelle, la recherche d’une expérience communautaire, d’une altérité paisible est souvent très présente chez les personnes, de toutes origines, de toutes cultures, qui fréquentent les monastères.
Jean-Pierre Longeat, répondant aux questions de Monique Hébrard, aborde de nombreuses facettes de la vie spirituelle sans jamais la séparer ou l’opposer à la vie quotidienne : Que vont-ils chercher dans les monastères ? - Comment et pourquoi devient-on moine ? - La règle de saint Benoît, quinze siècles plus tard – Psychologie et sentiments au monastère – Des moines dans la société – « Chemins de musique » - Communautés d’Eglise – L’urgence de l’œcuménisme et de l’interreligieux – Le mal, un mystère auquel le Christ n’a pas échappé – Y a-t-il un retour du spirituel ? – L’expérience spirituelle chrétienne – Que nous apprend l’Ecriture sur l’homme ? - Dieu-Père, le Christ, l’Esprit – Sous la conduite de l’Evangile.
Il ne refuse pas de se confronter avec la question si difficile du mal :
« Au niveau interpersonnel, l’appréciation du mal et du bien dépend de la liberté qu’a l’homme de pouvoir choisir entre ce qu’il pense être le bien et le mal. Car même si l’on sait que notre liberté a des limites, c’est la liberté qui caractérise l’homme ; les autres créatures n’ont pas cette capacité. Quant aux événements et catastrophes qui ne dépendent pas de notre volonté, je pose une question : que savons-nous du devenir de la création ? Ce que nous éprouvons comme une souffrance et un mal – et qui l’est réellement pour notre subjectivité – est peut être lié à un destin qui nous dépasse et qui, lorsque nous aurons franchi les barrières de ce monde visible, prendra une allure différente. Peut-être que notre regard doit se porter vers un au-delà de nous-mêmes. Toutes les religions offrent des réponses dans ce domaine. Pour le bouddhisme, tout ce que nous considérons comme joie ou peine est illusion ; cela n’existe pas. Pour le christianisme, joie et peine existent bel et bien et le Christ les assume totalement jusqu’à en mourir sur la croix ; et de cette mort jaillit la vraie vie en surabondance.
Que le Christ meure sur la croix, c’est tout de même humainement aberrant ! La réussite d’un Dieu ne peut pas être cet échec horrible ! Mais le Christ prend la question à bras-le-corps : Il sait ce qu’il en est de la vie de l’homme, de sa souffrance, de sa mort. Et non seulement Il le sait mais Il le vit et le transforme. Il transforme cette condition vers son devenir véritable. Il réalise cela à son degré maximal puisqu’Il est l’innocent parfait qui prend les coups les plus injustes de la part non seulement des hommes qui sont en face de lui mais du péché, de cet enfermement sur soi qui refuse la manifestation de l’amour, de la fraternité entre les hommes. Qu’est-ce que l’on peut imaginer de plus injuste, de plus souffrant ? »
Les paroles du moine Jean-Pierre Longeat, mais aussi de l’homme, sont une citation à « sauver », ce qu’il comprend comme sortir de l’aveuglement, permettre à soi-même et à autrui de savoir qui il est, où il est, vers quoi il se dirige.

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