Quand les chercheurs de tradition chrétienne du haut Moyen Âge reçoivent l’alchimie arabe, ils l’adaptent à leur modèle du monde, la marquent, la tordent éventuellement afin qu’elle s’adapte à la théologie, à la doctrine, au symbolisme chrétiens.

C’est l’une des particularités de l’alchimie de supporter voire même de susciter ce processus de création qui passe par une assimilation culturelle. L’alchimie sait se nourrir de ce qu’elle rencontre de manière singulière.
Le livre de Séverin Batfroi met en évidence ce que l’alchimie chrétienne partage d’essentiel avec les autres alchimies, tant occidentales qu’orientales, pour mieux donner de la perspective à ce qui fait son originalité, originalité qui s’exprima notamment dans l’art.
L’auteur précise ainsi sa démarche :
« Pour introduire notre sujet, il nous paraît indispensable de le situer préalablement par rapport à l’évolution de la pensée alchimique en général. Il faut en effet savoir pourquoi on a pu mettre en parallèle symbolisme alchimique et fait religieux, comme il faut savoir aussi comment on en est arrivé à ce parallèle qui n’a rien d’accidentel ou de hasardeux. Il est le fruit d’une logique historique rigoureuse, qu’il faut prendre en considération si on veut comprendre parfaitement ce phénomène.
Mais cela reste encore insuffisant si on ne parcourt pas patiemment l’univers symbolique propre à l’alchimie. En effet tous les développements que l’on doit aux alchimistes occidentaux de tradition chrétienne, notamment, sont tributaires d’un symbolisme particulier comme on pourra le constater. Il y a cependant un tronc commun que l’alchimie chrétienne partage avec les autres voies d’Orient et d’Occident, chaque adaptation ayant été, bien évidemment profondément marquée par le milieu culturel et la période historique qui ont permis son développement. »
Après avoir présenté ce tronc commun qui prend racine dans les traditions de la forge, Séverin Betfroi s’intéresse donc à cette voie initiatique qui inscrit la symbolique des opérations alchimiques dans la liturgie, qui exalte l’alliance entre liturgie et alchimie : la Pierre philosophale et le cycle liturgique de Noël, les cendres du carême et les phases préliminaires du Grand Œuvre, la Semaine Sainte ou « semaine des semaines » des alchimistes, la voie du salut... Il en analyse le symbolisme en lien avec la pratique opérative.
L’ouvrage donne une vision dynamique de l’alchimie, souvent présentée comme immuable. Le rapide panoramique historique proposé en fin d’ouvrage par l’auteur illustre comment l’art divin sait jouer avec les formes et aussi se jouer de celles qui voudraient l’enfermer pour mieux resurgir là où on ne l’attend point.
La rencontre de l’alchimie et du christianisme a produit un ensemble initiatique cohérent dont l’influence fut considérable. L’héritage est prometteur pour qui se voue à la conquérir.

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