Un livre pour dire la possible dimension philosophique de ce qui nous apparaît souvent comme un sport parmi d’autres. De même que dans le Japon médiéval, l’équitation est art martial et philosophie de l’éveil, le surf trouve ses origines dans les mythes et les rites initiatiques des îles Tonga. Joël de Rosnay, pionnier français du surf fut l’un des premiers à rappeler la dimension philosophique de cette pratique.

Dans les années 60-70, le surf, inscrit dans la mouvance contre-culturelle, était souvent considéré comme un art de vivre qui mêlait hédonisme, écologie, émancipation. Aujourd’hui, il est devenu un produit qui a du mal à résister à la société marchande.
Pourtant nombre de surfeurs conserve à leur art une dimension profonde. Le compagnonnage accepté avec sa propre mort, l’humilité face à la vague (ou la « lame » dans le langage des surfeurs, mot qui n’est pas sans rappeler la voie du sabre, art de trancher l’ego), l’entraînement exigeant, la conscience accrue de ce qui est là, l’alternative nomade, la recherche d’une esthétique, font de la pratique du surf une forme d’ascèse contemporaine.
Frédéric Schiffter fait un parallèle très juste entre la quête du surfeur et celle de Don Quichotte. Face à des vagues gigantesques, nouveaux dragons à affronter, l’art devient chevaleresque et aristocratique. Il s’agit bien de conquérir et de se conquérir, car la vague ne fait que révéler nos propres démons, conditionnements, peurs, haines et autres sentiments ou émotions dont nous nions la présence en nous-mêmes.
Si le surf n’est plus un culte initiatique comme chez les Tongas, sa philosophie est en construction comme le souligne Frédéric Schiffter, la pratique, en elle-même, ne peut que ramener l’être humain à sa propre réalité. Quand la vague arrive, il est impossible de se mentir, impossible de tricher, il ne reste plus qu’à être soi-même :
« En ramant vivement au large, le surfeur s’avance vers un devenir houleux. Il sait qu’il ne surfera jamais une vague idéale, telle qu’il la désire, mais des vagues mouvantes et imprévisibles, charriant peut-être dans leurs rouleaux une tragédie. Qu’importe. Il n’est pas de joie intense qui ne s’éprouve hors de l’inquiétante présence du pire. En glissant sur un élément indifférent à sa vie, le surfeur jubile tant qu’il aimerait que ce moment revînt toujours. N’ayant pas d’autre espoir, il ne se recommande que d’une seule philosophie, celle de l’éternel retour de la vague et de l’instant euphorique. Elle teint en une maxime : Keep moving !

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