Ce livre est une leçon de savoir mourir. L’art du mourir est cruellement négligé dans notre société, faute de lucidité et de discernement.

Les deux auteurs, ou plus exactement le couple-auteur, car ils ne sont pas deux mais un dans cette aventure, ont une vie spirituelle bien réelle avant d’être confrontés à « l’événement » : Nicolle, atteinte d’une leucémie foudroyante, doit mourir dans quelques jours. Toutefois, leur spiritualité va se transformer, se dépouiller pour ne retenir que ce qui est là. L’éloignement de l’échéance fatale leur offre un espace et un temps improbables, d’intensité et de clarté, pour se rencontrer de nouveau dans le feu des délicates questions qui émergent de la proximité de la mort.
Le dialogue entre Nicolle et Olivier se tisse autour des interrogations les plus essentielles, conscientes ou inconscientes. Ce qui est dissimulé, tapi, souvent inavoué, émerge de la souffrance ou de la peur avec authenticité.
« Les souhaits de mort sont une expression de notre ambivalence et sont, la plupart du temps, inconscients. Mais c’est plus difficile à vivre dans la maladie parce que la maladie grave est un événement non ordinaire. L’autre y est plus visiblement vulnérable que dans la vie courante. Nous nous sentons davantage de devoirs envers lui. Les souhaits de mort s’expriment donc de façon déguisée. Cela peut être par un aphorisme ou une généralité, comme tu fis en disant : « La mort de quelqu’un arrange toujours bien des gens. » Souvent le vœu de mort est exprimé sous la forme d’une évidence : « Ce n’est pas une vie de vivre ainsi », « Je ne peux supporter de le (la) voir dans cet état » ou dans l’énoncé d’une crainte : « Je ne sais pas comment je pourrai tenir, si cela dure longtemps. »
S’avouer ou avouer un souhait de mort est difficile. On se sent coupable, sans cœur, et il arrive que l’on en rajoute dans le dévouement tant le poids d’un tel souhait, même furtif, est lourd à porter. C’est en effet lourd quand on veille, nuit après nuit, sans espoir. C’est en effet lourd quand, jour après jour, on court pour aller voir son malade. C’est en effet lourd quand on laisse tout, traverse toute la France parce que c’est la fin de vie d’un père, d’une mère et que le voyage est à recommencer à peine revenu chez soi. C’est en effet lourd quand celui ou celle que l’on accompagne semble si peu présent. »
Les échanges, sincères et profonds, entre Nicolle et Olivier sur l’accompagnement, l’amour, la mort, l’écoute, la maladie constituent un véritable enseignement sur l’art de vire et de mourir.
« J’ai eu l’immense privilège, quand j’étais dans mon hôpital montagnard qui était un mouroir, de partager la quotidienneté de bien des personnes qui s’avançaient vers la mort. Parce que j’étais moi-même menacée de mort et le reconnaissais, la confiance que l’on me faisait, la demande que je donne la main, que je sois présente étaient exprimées à haute voix. Là où la mort n’est pas cachée, là où elle fait partie de la vie, là où elle est intégrée parmi les vivants, là où elle est acceptée, cela se passe beaucoup mieux pour les uns et les autres. On a alors des choses à se dire, des choses fondamentales. L’acharnement thérapeutique comme les demandes d’euthanasie fondent quand on cesse d’essayer de maîtriser la vie et qu’on se livre à la rencontre de la mort. Quand il est possible de parler de la mort, quand elle cesse d’être un sujet tabou, ce n’est plus maîtriser la vie qui est cherché mais couler dans le flot de la vie, comme un nageur dans la mer. On se met à découvrir la vie jusque dans les toutes petites choses, celles qui semblaient si naturelles avant que l’on n’y attachait pas d’importance.
Celui qui va mourir et qui sait qu’il va tout perdre a besoin de faire un saut de vie. Il a besoin de quelqu’un qui soit prêt à ne pas le retenir par des pleurs, des supplications ou des mensonges. Il a besoin de quelqu’un qui croie en lui, qui lui fasse confiance, qui entende ce qu’il a à dire.
Si un malade ne parle pas de la mort ce n’est pas seulement parce qu’il en a peur, parce que c’est dur, mais surtout parce qu’il n’y a personne pour l’entendre.»

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