Son texte, très poétique, empli de la délicatesse qui sied à celle qui enfante les héros, conduit le lecteur dans différentes contrées de la nuit, le territoire des âmes, les îles d’amour, le pays des ténèbres, la vallée des rêves, etc.

Les illustrations d’artistes très différents, allant de Burne-Jones à Magritte en passant par Miro, Van Gogh, Böcklin, Redon, Rubens parmi de nombreux peintres très connus ou plus discrets, scellent les rencontres avec les personnages mythiques nés de la nuit, Schéhérazade, Roméo et Juliette, Agamennon, Ulysse, Lancelot…
Les citations de poètes ou d’écrivains comme Baudelaire, Breton, Shakespeare, Novalis, Kafka, Pessoa, Tzara… viennent, comme un écho lointain dans la nuit des pages de ce livre-voyage, murmurer quelques secrets à l’oreille attentive des amoureux de la nuit.
« Elle ouvre ses yeux de faon sur le monde des hommes. C’est la première fois, un étonnement léger comme à toute naissance. Elle a la douceur inquiète des jours à venir, une ferveur retenue, attentive. Moins épaisse que dense, elle invite chacun à découvrir en soi le puits de fraîcheur où se désaltérer. Elle délie les peurs et les impatiences plus qu’elle n’engourdit les volontés. Souvent elle allège les peines mais renforce les émois. Elle verse le sommeil, les songes enchanteurs, les cauchemars terrifiants.
Elle est la mère de tout, la première et l’unique. Elle enfante sans se lasser, sans se presser. Elle veille et elle protège, elle berce et engloutit, elle nourrit puis reprend dans son ventre mystérieux ses enfants innombrables. Elle est sans âge, sans époux ni ancêtre, Mère Nuit, Nuit souveraine. Aussi beaucoup de mortels l’ont-ils qualifiée de Divinité, avec ce que ce rang confère de crainte et de majesté, d’émerveillement et de puissance.
Opulente et discrète, elle s’enveloppe de sa propre substance, contenant et contenu tout à la fois. Elle s’avance telle une messagère gantée de velours qui déroule puis enroule un poème fait de silence et de chuchotements. Parfois, dans un pli de son manteau elle cache un poignard, une fiole de poison et d’oubli, quelques fleurs de pavot. Mais, si elle abrite des complots, si elle couvre des crimes, elle-même ne se montre jamais assassine : elle se contente, le temps venu, de dénouer les fils de l’existence, de dissoudre les formes.
D’elle on dit sans bien réfléchir qu’elle est sombre, ténébreuse, on l’associe à l’absurde et au néant. On lui accorde aussi, outre le noir convenu, de rares couleurs : nuit blanche, bleu nuit… Mais que serait une nuit nue – je veux dire dépouillée des couleurs propres à la vision de jour ? Cette nuit nue porterait-elle à si grand effroi qu’on n’ose l’imaginer ? Approcherait-elle, bien plus que le soleil de l’Absolu ? »

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