Arnaud Bordes, critique littéraire, est un spécialiste de la fiction décadente. Il participe largement au mouvement des revues littéraires et dirige actuellement une grande enquête sur l’état de la littérature.

Ce recueil de nouvelles, davantage d’un recueil d’ailleurs, plutôt un labyrinthe de nouvelles ouvrant ici et là les unes sur les autres, inaugure la littérature décadente du XXIème siècle.
Les imaginaires magique et alchimique habitent les textes sans les étouffer. Quelques mythes traditionnels servent d’encre à une plume au glissé fluide et portent le lecteur dans un incertain prometteur à peine balisé par des références littéraires ou artistiques subtiles.
A lire.
Trois extraits pour vous inciter :
« C’était après l’inclinaison de l’axe terrestre et le déplacement des climats, après que les colonnes du ciel eurent été brisées. L’univers avait chu. Les étoiles avaient changé leur trajectoire, les galaxies leur cours. La planète s’était entrouverte et les eaux des abysses avaient noyé les diverses contrées. Les races septentrionales, lumineuses et telles que des dieux, avaient abandonné leur empire polaire, l’Hyperborée, pour voyager au sud-ouest, vers des continents nouvellement surgis des déluges. C’était après l’âge d’or, c’était en Atlantide… » (Péplum)
« J’ai pour nom Sépulcre Penthas. Je venais d’aimer une jeune fille qui portait des bas mauves. Je n’appartenais qu’à moi, à ma solitude et aux livres. Je vouais un culte aux livres. La nuit qui précéda la découverte, la découverte du papier à l’encre tabac, je regardais la lune ; allongé sur mon lit, je l’observais qui se cognait aux carreaux de la fenêtre sans volet, et je pense qu’elle est entrée dans la chambre avec son cortège de mauvais enchantements… » (La lèpre de Schwob)
« Sa mère, Kamae, comme toutes celles de la race des Dévoreurs-de-terre-noire, avait le teint grisâtre, la bouche déchirée, le sexe farfelu, les seins lunaires, l’anus camus. Un été, selon les rites, elle sacrifia son premier fils. Elle accoucha du haut de la falaise d’onyx, elle dévida sa chair grosse dans le vide. Hugues s’entassa sur les vertiges, s’écorcha au néant et sa peau, dans la chute, devint pâle – elle perdit l’humeur obscure. Il tomba très loin, dans l’infini d’une forêt hantée par des peuples de péris et de fées ; elles avaient toutes des prénoms de merveille, Nicneven, Alcine, Urgèle, Mab… Sa culbute fut amortie par des bouquets de mandragore où perlaient des gouttes de sperme. Cette rosée, qu’avaient suée des cadavres pendus dans les arbres alentours, fortifia son corps presque rompu mais l’apâlit plus encore. Il resta longtemps au milieu de ses cris, rongé par les limaces, envahi par pourriture des feuilles d’automne, vitriolé par le froid coupant de l’hiver. Il fut, cependant, toujours vivifié par la magie du sperme… » (Vie de Hugues Tranche-Ecaille, Egorgeur de Dragons)

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