Gabriel Ringlet, prêtre, journaliste, écrivain et professeur d'université ! Comment donc ? Ce livre autobiographique raconte le parcours peu ordinaire d'un questeur atypique. L'expérience profonde d'un homme parce qu'elle oblige à balayer les formes, à se faufiler au-delà de la personne, du masque, du par-être, sans se défiler, devient universelle car elle touche à l'être. Cette universalité est réelle au contraire de l'autre, l'universalité de surface qui vise à transformer l'autre, de force plutôt que de gré, on ne sait jamais.

Les mots de Gabriel Ringlet nous sont proches, ils démontrent en quoi la singularité est plus importante que l'identité car elle fonde la liberté. La gravité est ici fondation d'une spiritualité ,dégagée des contraintes dogmatiques, un axe qui fait du quotidien une pratique de l'esprit.
Gabriel Ringlet nous invite à prier, à prier l'actualité, une oeuvre de contemplation nous dit-il, car prier c'est supplier l'actualité, prier c'est éclairer l'actualité, prier c'est aussi respirer l'actualité, prier c'est encore ruminer l'actualité, prier c'est enfin dessiner l'actualité pour enfin la sculpter :
" Je regarde depuis longtemps le travail spirituel comme un travail d'artiste, en tout cas d'artisan, d'ébéniste, de sculpteur abrupt et doux à chaque fois. " Je travaille dans un bloc de sentiment " disait Rodin. Il n'en va pas autrement quand je tente d'arracher un petit bout de mon âme Sans cesse, dans mon atelier intérieur, je dois reprendre le ciseau, la gradine, le maillet ou le marteau taillant pour alléger mon granit, affiner mon bois, éliminer les aspérités du marbre d'où va jaillir, j'espère un éléphant ouÚ un Baiser. Est-ce que le sculpteur devient ce qu'il sculpte, le priant ce qu'il prie ? Peut-on s'abandonner totalement à son objet ? Jusqu'où entraîne le processus d'identification ? Un peintre, en se coulant dans la détresse d'un enfant qui meurt de faim au bout du désert, ne peut-il s'arracher à l'absurde, par son dessin, le destin de ce tout petit ? Et prolonger ainsi, à travers la beauté blessée que son oeuvre atteste, " le divin rayonnement de la miséricorde " ?
Je m'arrête un instant pour prévenir toute possible confusion. Ce n'est pas une affaire de " foi ". Comme Jean-Pierre Jossua, je suis touché au plus vif par le pouvoir ennoblissant de la compassion de l'artiste en sa création. De tout artiste. Mais, comme croyant, je ne puis m'empêcher de voir dans la compassion artistique une médiation de la compassion divine. En ce sens-là, et sans pousser le mot " rédemption " jusqu'en ses derniers retranchements théologiques, je crois que l'artiste " sauve " le monde à travers la compassion qu'il exprime dans la beauté. "
La parole de Gabriel Ringlet est toujours belle, et pourtant mesurée, à portée d'âme, disponible, humaine.

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