Si ce livre n'atteindra pas son objectif avoué, en finir avec tous les conformismes, d'abord parce que sans les conformismes, il n'y aurait ni la rupture, ni la révolte nécessaires à la création comme à l'éveil, ensuite parce que malgré une vigilance qu'il faudrait extrême, il est presque inévitable de retomber dans un usage aristotélicien du langage qui fige le processus dans le mot et le met " en conformité ", cet ensemble de contributions oblige à penser, et à se penser, rejetant à la fois le puritanisme bourgeois et un féminisme culpabilisateur.

Le lecteur sera intéressé à la fois par les références traditionnelles et par les considérations nées du vécu des auteurs ( parmi eux trop peu de femmes, comme toujours). Il ne s'agit pas là d'une source d'enseignement mais finalement de témoignages souvent profonds, parfois humoristiques, sur une question qui nous hante, celle du deux en l'Un, ou de l'Un en deux, mystère qui ne s'approche qu'à travers cet Eternel féminin, cette Sophia, qui ne se comprend pas, ne se transmet pas, ne se lit pas, ne se dit pas, mais nous saisit parfois dans le Silence.
Karyn Agostini : " Je tiens cette idée d'une complémentarité entre deux modalités de la nature féminine pour parfaitement fondée. Mais j'insisterai sur le fait que ce qui, dans la vie concrète, est souvent le plus difficile pour une femme est de découvrir à laquelle des deux modalités sa nature personnelle se rattache et la voue. En effet, au moment de la mise en place de la complétude de la nature féminine, je veux dire de sa réalisation existentielle dans la vie d'un individu œ femme, il est malaisé de découvrir par soi-même laquelle des deux voies est celle à emprunter. Mais à un moment, un choix s'imposera de toute façon, soit qu'il se fasse jour d'une manière quasi œ spontanée, soit qu'il découle (ce qui n'est que trop souvent le cas) d'une logique sociale. Dans le contexte actuel de la civilisation occidentale, avec la valorisation qui est la sienne de l'enfant assimilé à la prétendue innocence originelle, la femme qui a une nature personnelle d'amante (la femme " aphrodisienne " donc) se heurtera de toute façon à des obstacles plus importants que la femme démétrienne et devra posséder une intuition puissante de ce qu'elle est véritablement afin de pouvoir le reconnaître elle-même dans un premier temps puis l'imposer aux autres. Ne serait ce que parce qu'une telle femme possède, et laisse voir à qui sait regarder, une dimension destructrice qui prend le contre-pied des " valeurs " que tu énonçais au début de notre entretien. Comme chacun sait, Eros n'est jamais éloigné de Thanatos. "

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